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ABBASI Siyavash AWESTA, DIALOGUE AVEC M. Mehdi BAZARGAN, Premier Premier Ministre après la chute du Chah et le Président du "Mouvement de Libération d'Iran"

  Depuis des années j'avais rompu mes relations avec monsieur Bazargan, Premier Ministre après la chute du Chah et cela pour des divergences de goût que nous avons eu dès le début de la révolution et même après sa démission. Suite à la publication de l'ouvrage" Le Coran, un hymne du style persan", il m'adressa un message, me demandant de lui en envoyer un exemplaire. Je me pliai à sa demande.

Quelques semaines plus tard, je l'ai contacté par téléphone. Il m'avoua être revenu sur un grand nombre de ses croyances passées, en estimant maintenant que les prophètes n'avaient pas pour mission de nous apprendre l'urbanisme, la cuisine, la politique l'économie, etc.!

J'étais ravi d'entendre ces paroles prononcées par celui qui avait combattu plus d'un demi-siècle en faveur d'un Islam politique ou d'une politique islamique. J'organisai plusieurs interviews téléphoniques avec lui pour le compte de la station radio" Avayé Iran" et "I & M". Plus tard, sur sa proposition, je lui adressai à Téhéran, par Fax, de nombreuses questions, chargeant en même temps un groupe d'amis d'enregistrer ses réponses qui durèrent presque deux heures.

  Le dernier entretien que j'eus avec M. Bazargan, était considéré par lui-même comme son testament politique et intellectuel; il en était ravi. Je m'étais mis d'accord avec M. Bazargan pour qu'il se rende à Paris afin d'y tenir une conférence. Nous étions en train de nous occuper des préparatifs de celle-ci, lorsqu'il tomba malade et dut se rendre à l'étranger pour s'y soigner; il mourut en route (en Suisse). Ce qui suit est un bref extrait du dit entretien.

ABBASI : M. Bazargan, votre Mouvement est-il libre en Iran et est-il autorisé à avoir une activité politique? Pourquoi, malgré les communiqués, les lettres ouvertes, les déclarations et les messages violents que vous avez fait publier à ce jour, n'avez-vous jamais été arrêté, tandis que d'autres membres de votre Mouvement qui se trouvaient à des échelons inférieurs ont été arrêtés et emprisonnés?

Mehdi Bazargan : En vous remerciant de vous être adressé à moi et en remerciant Dr Abbasi de m'avoir faxé les questions, je dois dire sommairement que : Sommes-nous" libres" ou pas? Quant à nous, nous y avons déjà répondu dans bon nombre de nos communiqués et dans les interviews que nous avons données à l'étranger.

  Evidemment, répondraient "la Direction de la Révolution" et "les autorités responsables". Tout le monde bénéficie de la "liberté", nous aussi, la preuve en est que nous les maltraitons, nous faisons des interviews ou nous publions des déclarations... Nous avons déjà répondu à ces allégations... Bien sûr on a permis à certains d'entre nous de respirer, de rester en vie, de dire que nous sommes "libres", que certains de nous, membres du Mouvement, nous pouvons nous réunir dans nos propres domiciles... Oui, cela est vrai. Parfois même, quand ils sentent la nécessité ils s'adressent à nous pour des interviews... Nous mêmes nous publions des déclarations... Tout ceci existe mais cela ne signifie pas la liberté. Nous voulons la "liberté" telle qu'elle a été définie par la loi: "la liberté de rassemblement et de parti", notre "parti" (Mouvement de Libération d'Iran) a été déclaré illégal, et nous ne pouvons rien faire. A l'exception des "membres du groupe central", tous nos amis en province ont été convoqués, menacés, importunés. Un étudiant en année de maîtrise qui n'avait que deux mois pour obtenir son diplôme a été renvoyé de l'université. Nos amis de province et les membres de deuxième ou troisième échelon ont été agressés. Nos déclarations ne sont pas publiées par les imprimeries et ne sont ni vendues par les libraires ni par les marchands ambulants. Même les magasins de photocopie ne reproduisent pas nos déclarations. Il est même arrivé que la personne qui a dactylographié nos déclarations a été arrêtée et menacée. Voilà, nous ne pouvons ni tenir des réunions, ni faire publier des annonces de décès ou des cérémonies de deuil portant la signature du Mouvement. Le régime l'empêche. Simultanément, la plupart des journaux nous calomnient et nous insultent. Tous (les journaux dépendant de la République Islamique), à l'exception du "Keyhan aérien" qui, parfois, veut faire plaisir à l'étranger, font fi de nos propos. Mes ouvrages, même scientifiques ou religieux ne sont pas publiés. Est-ce cela la "liberté"?

Cependant, pourquoi malgré les déclarations virulentes nous n'avons pas été arrêtés et emprisonnés? c'est eux qu'il faut interroger. Si nous disons quoique ce soit peut-être nous serions loin de la vérité. C'est à eux de voir. En principe étant donné que le pouvoir et la légitimité qu'ils prétendent avoir proviendraient de la foi, de la croyance et de l'opinion public, ils essayent de ne pas commettre tout ce qui pourrait être condamnable par cette opinion. Mais, comme vous l'avez dit, dans les prisons, de nombreux détenus ont été convoqués par les interrogateurs qui leur ont annoncé qu'ils ne feront rien contre moi, mais qu'ils couperaient les branches et les feuilles jusqu'à faire tarir les racines...

  Voilà la réalité! Pourquoi ils ne m'ont pas arrêtés seul Dieu le sait, et c'est à eux qu'il faut en demander les raisons. Peut-être aussi qu'ils font attention à la réaction de l'étranger, en admettant qu'ils y prêtent une quelconque importance.

  ABBASI : M. Bazargan, quels ont été les acquis de la révolution durant ces quinze années?

  Mehdi Bazargan : Leur nombre est très limité. Un de ces acquis,voulu, réclamé et écrit par le peuple était l'unité; un autre qui faisait l'unanimité, depuis le clergé de l'ayatollah Khomeiny jusqu'au parti Toudeh, était "la lutte contre la dictature". Or, tous ces acquis ont été inversés. Cependant, pendant toute cette période, des choses ont été réalisées et chaque jour on annonce à la télévision que telle entreprise a été créée, tel barrage a été inauguré, etc. Tout ceci est normal à Téhéran et dans d'autres villes et est l'aboutissement des travaux entamés auparavant. Or, un aperçu de l'ensemble des acquis qui ne provient pas de "la révolution du peuple" mais de "la révolution islamique" et de "la République Islamique ", est" l'isolement de l'Iran "dans le monde et l'animosité internationale à l'égard de l'Islam, des musulmans et de notre pays aussi bien du point de vue politique qu'idéologique. De même le peuple subit avant toute chose le piètre état économique, la cherté de la vie, l'arrêt de la production, etc.

Ceux-ci sont les acquis de la révolution islamique. Bien sûr les protocoles et les manifestations sont nombreuses, tel séminaire, telle semaine, la célébration de telle décennie, etc. sont courants. Des sommes faramineuses sont dépensées. Ils sont capables de tout. Dieu seul en est juge.

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